Parler d’innovation en rendant hommage à Claude Piéplu, la fameuse voix des shadoks peut paraître surprenant et pourtant…
Lors de nos veilles salons ou de nos échanges avec des responsables R et D de tous secteurs, il nous arrive fréquemment de confronter les démarches d’innovation menées par des sociétés de nationalité différentes et de distinguer des particularités géographiques.
Certes il est difficile de faire des généralités dans le domaine de l’innovation tant la culture de l’entreprise, son cœur de métier et plus largement son activité peuvent influer sur l’organisation même de l’innovation au sein de la structure.
L’objet de cet article n’est pas de faire des propositions. En effet, de nombreuses études et autres publications existent avec leur lot de recommandations. Il s’agit plutôt de faire un constat, d’apporter un regard critique à travers le début d’une vision comparative.
Les USA ou quand l’art de la synthèse rejoint les enjeux commerciaux
D’abord, on vend… Ensuite, on innove !
Ainsi pourrait se résumer la stratégie d’innovation des entreprises américaines.
Comme le souligne Hervé Azoulay, président d’Invest Banlieues, c’est la créativité dans les usages qui permet de différencier les entreprises performantes. Par exemple, Apple a su saisir et adapter les idées des autres pour les transformer en synthèse créative avec l’iPod, qui ne comporte aucune technologie maison, mais qui a utilisé des technologies développées ailleurs.
La Corée, une grande capacité d’innovation et un sens poussé du service
Profitant de l’essor du continent asiatique et de la puissance de la Chine, les entreprises coréenne ont su relever le double défi d’innover et d’accroitre la reconnaissance de leur marque sur les marchés internationaux.
Aujourd’hui, la R&D coréenne est considérée comme étant parmi les meilleures au monde dans de nombreux domaines : NTIC, semi-conducteurs, batellerie, aciérie, automobile, cosmétique. Le nombre de demandes de brevets affiche un taux de croissance bien supérieur à celui d’autres pays.
S’appuyant sur des plateformes industrielles souvent de petite taille permettant une plus grande flexibilité et une très forte réactivité, il suffit de discuter avec un fournisseur coréen pour avoir l’impression que tout est possible en terme de sur-mesure et de personnalisation. Dans ce pays de technologie, les délais de développement sont courts en phase avec le renouvellement constant des produits.
La France, éternellement à la recherche de la solution qui changera le monde
Le bilan actuel de l’innovation en France est terrible et sans équivoque, notre impuissance et notre inefficacité s’imposent à la lucidité de chacun. La France s’est davantage intéressée à l’invention plutôt qu’à l’innovation, alors que d’autres pays s’organisaient afin d’acquérir de réelles compétences pour développer et commercialiser les innovations.
Si l’innovation constitue un facteur essentiel de compétitivité économique, elle ne saurait être réduite à la recherche et aux brevets. Notre compteur mesure les innovations en fonction des brevets détenus, contrairement à la Grande Bretagne qui considère la compétitivité et la créativité des entreprises comme le seul facteur clé de la mesure.
De plus, contrairement à l’amélioration continue, ces innovations « plus fondamentales que pratiques » engendrent une certaine frilosité au moment de leur commercialisation. Toute innovation comporte un risque d’échec commercial et de non-création de valeur pour l’entreprise des produits mis sur le marché. Le taux de réussite des produits innovants est souvent inférieur à 50 %, 25 % des produits étant retirés au bout d’un an et 50 % au bout de 2 ans. Le coût est phénoménal.
Se pose donc la question de la pertinence de l’offre, qui découle encore trop souvent d’innovations pensées seulement par la technique et mises sur le marché par des techniques marketing de push.
L’Allemagne, championne du monde de l’innovation
Leader incontesté de l’innovation en Europe, l’Allemagne domine aujourd’hui également le reste du globe dans ce secteur.
Cherchant à se positionner sur des technologies de rupture, l’Allemagne est notamment en pointe dans 4 secteurs que sont les systèmes d’énergies renouvelables, la biotechnologie moléculaire, les lasers et les logiciels d’ingénierie expérimentale.
Comme l’a si justement souligné Dan Breznitz, co-directeur du Laboratoire d’Innovation Politique à l’Université de Toronto «Le plus important c’est que l’Allemagne parvient à adapter ses innovations technologiques à son industrie et à les diffuser à son tissu d’entreprises. La force des Allemands est d’infuser dans d’anciennes techniques et d’anciennes procédures des idées neuves, ce qui permet à ces secteurs de connaître une nouvelle jeunesse.»
Ainsi, l’Allemagne ne cherche pas seulement à créer de nouvelles industries mais insuffle aussi du renouveau dans ses anciennes.
Qui n’est pas tombé sur l’un de ces instituts de recherche Fraunhofer en faisant des recherches pointues sur Internet. Elément clé de la capacité de l’Allemagne à innover, ces organismes sont financés à 66% par des contrats industriels. Les Fraunhofer réalisent des activités de recherche appliquée et sont spécialisés dans des domaines pour lesquels les demandes du marché sont fortes. On est bien loin de la recherche fondamentale et ces instituts sont aujourd’hui des acteurs majeurs du transfert technologique en Allemagne.
Avec une innovation centrée sur l’application, les inventions allemandes sont aujourd’hui omniprésentes dans notre vie quotidienne : l’imprimerie, l’automobile, la moto, la première ligne de tramway, le téléviseur (en partie), l’ordinateur, l’aspirine, les rayons X, le scanner, le format mp3, le filtre à café… et même le nounours en bonbon…
Et qu’en est il des jeunes entreprises innovantes ?
En 2012, Oséo se félicitait qu’en France, les entreprises créées pour porter un projet d’innovation étaient moins mortelles que les autres. La différence semble même considérable. Leur taux de pérennité à 5 ans est de 85%, alors que selon l’INSEE, ce taux est de 1 sur 2 pour la création dans son ensemble.
Et pourtant, saviez vous que le taux de survie des start up atteint 90% en Corée contre 5 à 6 % aux Etats Unis, ce qui laisse à penser que la politique coréenne vise à limiter les échecs à tous prix à grand coup de financement, au lieu de laisser les marchés reconnaître les projets les plus pertinents.
A l’heure où en France, innovation rime avec subventions, pire encore avec les CIR (Crédits d’Impot Recherche) où l’innovation n’est vue que d’un point de vue comptable, il est bon de rappeler qu’un produit, aussi bien conçu soit-il, n’a d’intérêt que s’il se vend …
C’est aussi ça l’innovation en France !